Catherine Weinberger-Thomas

> CENDRES D'IMMORTALITÉ, La crémation des veuves en Inde, de Catherine Weinberger-Thomas. — L’étude de la crémation des veuves en Inde est un sujet extrêmement délicat, entre volonté de comprendre et dégoût, interprétation des rites et interrogation sur les croyances. Or ce qui précède un spectacle si terrifiant ne doit pas passer inaperçu : la veuve ne monte pas sur le bûcher sans s’être auparavant déclarée publiquement par un voeu de mort qui peut prendre diverses formes dont la plus radicale est la profération répétée trois fois du mot sat. Sat, participe neutre du verbe AS -, « être », c’est « ce qui est », mais il dérive en deux sens au moins : d’une part le bien, la vertu, d’où satî, l’épouse vertueuse ; d’autre part « ce qui est vrai », la force de la vérité qui fait être. Lorsque l’épouse qui a appris la mort de son mari prononce sat sat sat, on croit qu’elle le fait sous la motion du sat qui est « monté » en elle et que le sat la protégera de la souffrance intolérable du feu en lui faisant une sorte de pellicule protectrice qui l’insensibilisera. Force latente, interne, on se le représente comme un feu intérieur que le voeu attise, et qui présente une parenté avec le tapas, le feu que l’ascèse attise chez le renonçant. Comme le tapas du samnyasin, le sat de la satî confère des pouvoirs. Cependant les Lois de Manu ne parlent pas d’un tel rite, et les mythes sont énigmatiques, car si certains mettent en relation les déesses et le feu, ils ne sont jamais explicatifs ni du voeu de mort ni de la crémation des veuves. Dans la logique indienne, la place exceptionnelle de ce rite ne s’explique pas par sa barbarie, mais par sa finalité, qui est la divinisation immédiate dont bénéficie la satî et qui ne peut évidemment être le lot de tous les humains. Le culte qui leur est rendu après leur sacrifice, aujourd’hui comme hier, en témoigne, mais dès le moment où elles se « déclarent », elles deviennent des personnes sacrées, à part, objets de vénération. Autrement dit, la divinisation de l’humain commence dès que le sat « monte ». Dans cette perspective traditionnelle, l’entrée dans les flammes n’est jamais que l’acmè d’un processus qui commence avec la « parole de vérité » et se prolonge avec la mémoire collective. Mort volontaire ? Ici les essais d’interprétation achoppent sur de l’insoluble. Summum de la fidélité conjugale qui fait qu’en suivant immédiatement son mari dans la mort, on sera à nouveau son épouse dans une vie prochaine, tel est l’explicite du rite. L’implicite se tisse sur le vieux fond de culpabilité lié à la nature féminine, dont la présence se fait sentir ailleurs, et que l’impitoyable condition faite aux veuves qui survivent à leur mari manifeste quotidiennement. Les anthropologues, eux, sont sensibles aux bienfaits que le groupe en retire, en termes de salut, mais aussi de hiérarchie, car les attestations nombreuses de crémation de ses veuves confère au jâti dont elles sont issues une pureté supérieure, donc un statut plus élevé. Ils constatent que le nationalisme hindou militant ne recule pas devant la défense d’une telle coutume et les demandes de révision de la loi anti-satî de 1988. Une approche statistique nous apprend seulement qu’il y eût environ quarante cas de crémation de veuves depuis l’Indépendance, principalement dans le Nord-Ouest ; coutume quantitativement marginale donc, elle n’est pourtant pas périphérique : Catherine Weinberger-Thomas, pour écrire son livre courageux, a dû convoquer des pans entiers de l’hindouisme et déployer tout son savoir d’indianiste. Lorsqu’une veuve se « déclare » au cri de sat sat sat, elle se place d’emblée au centre de l’espace religieux, là où parlent le sacré, la pureté, la hiérarchie, le salut. Ed. le Seuil, Paris, 1996.
—Revue Française de Yoga, février 1999

> Padoux André. Weinberger-Thomas (Catherine). Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde.
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> Padoux André. C. Weinberger-Thomas. Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde.
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> Fourcade Marie. Catherine Weinberger-Thomas, Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde.
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> Héran François. Weinberger-Thomas Catherine, Cendres d'immortalité : la crémation des veuves en Inde.
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> Weinberger-Thomas Catherine. Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde / Ashes of Immortality. The Cremation of Widows in India.
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> Clementin-Ojha Catherine. Catherine Weinberger-Thomas : Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde.
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 83, 1996. pp. 391-395. … ; (en ligne),
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> Padoux André. Weinberger-Thomas (Catherine) éd . — L'Inde et l'imaginaire.
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> Toffin Gérard. L'Inde et l'imaginaire. Études réunies par C. Weinberger-Thomas.
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