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Un vertige/La séparation

by Hélène Gestern

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Extraits :

"Il y a quelques années, j'ai lu une autobiographie assez curieuse, qui s'intitulait Ton corps. L'auteur, Richard Morgièvre, s'adresse à lui-même à la deuxième personne, et raconte le dégât organique que provoque une rupture. il faut alors parler au corps, lui intimer l'ordre d'avancer, le nourrir, l'organiser, de sorte qu'il ne cède pas à l'entropie phénoménale qui s'est emparée du monde où il se meut. Lorsque j'ai rencontré T., j'ai eu le sentiment d'être au centre d'un véritable tourbillonnement de mes propres cellules. Mon corps aspirait avec une détermination implacable, à toucher le sien, à l'aimer et s'en faire aimer. J'ai le souvenir de voyages en train, courts, mais interminables, car chaque minute qui me séparait de lui était encore de trop. J'ai des images de dimanches après-midi paisibles, la sensation de son corps immense, étendu à côté du mien, que je ne suffirais jamais à encercler. Je l'observais avec passion, je savais où et comment le toucher, je passais mes mains dans ses cheveux avant de poser mon visage contre le sien. Je l'ai entendu respirer, haleter, m'envahir, je me suis entendue crier, souvent. J'ai été dans son corps, il a été dans le mien, absolument."

"Je suis persuadée que l'amour nous modifie, biologiquement. J'ignore quelle révolution interne il provoque, mais je crois qu'il entraîne des agglomérations cellulaires, des déplacements d'énergie, des polarisations qui s'inscrivent dans notre chair et y rayonnent bien après qu'elle a été désertée. Une place s'inscrit en creux, un manque, que plus rien, ensuite, ne parvient à combler. Pourquoi est-on attirée par un être plutôt qu'un autre? Est-ce la texture de la peau, le regard, l'odeur qui nous fascine, ou ne lui accorde-t-on qu'après la cristallisation cette valeur d'envoûtement ? Dans les jeux de l'amour, qui confondent la barrière des identités, nous rendant poreux, vulnérables, perméables, ouverts et offerts, il pourrait y avoir quelque chose qui nous ramène à la chaleur première, au cercle paisible de la chair autour de la chair, quand nous respirions encore dans un monde de silence amniotique où le froid n'avait pas pris possession de nous."

"Je concède qu'il y a sans doute un savoir de la douleur à constituer, et l'on peut en chercher la grammaire, le vocabulaire. Raconter, je n'y tenais guère (pour cela, il y a eu un proche, le journal, mon médecin pour le pire, et le reste du temps, le silence ). En revanche, il fallait bien tenir rassemblé ce qui était épars, accepter de regarder sa propre humiliation et en retracer la logique, regarder l'autre, dans ses errances et ses contradictions, au-delà du mépris de la souffrance, comme l'inconnaissable étranger qu'il nous aura toujours été. Comprendre, finalement, qu'il n'y avait rien à comprendre.[...]
Au-delà de la perte individuelle, de l'autre côté du rivage où l'on a cru mourir, peut-être est-il préférable de déposer l'aveu de cette puissance extraordinaire, de cette folie radieuse, et de tout le plaisir qu'on a pris à y succomber. Disperser la mémoire de l'émotion, l'oblitérer, jeter l'affaire aux chiens ne peut se faire, d'une certaine façon, qu'après avoir accepté de regarder son évidence jusqu'au bout."

"Qu'est-ce qui se sépare en nous quand nous nous séparons ? On se croit jumeaux, amandes philippines, lovées dans le même corps d'amour, on se croit indestructibles. On partage l'illumination, le sentiment extraordinaire d'être de plain-pied avec un autre que soi. On apprend la grammaire d'une peau, d'un désir, d'un regard, on se plonge dans l'énigme d'un être inconnu, ce gouffre merveilleux, dont on explore pas à pas les chemins apolliniens et les traverses dionysiaques ; on se construit un royaume commun, dont on invente la langue et les gestes partagés. Tout en soi s'ouvre, adopte, héberge, comme si l'être, sous la poussée amoureuse, connaissait une nouvelle naissance, une expansion de chacune de ses cellules, qui soudain le rend apte à entendre ce qu'il n'entendait plus, à voir ce sur quoi il avait baissé les paupières. On ne peut imaginer que, un jour, cette édifice pourra vaciller.
Et pourtant.
On ne sait d'où est partie cette rumeur sourde qui a fini par faire trembler le sol, on ignore à quelle heure, quelle seconde, notre frère de chair a fait ce pas de côté, on ne sait à la faveur de quel mensonge, de quel concours de circonstances, s'est ourdie la catastrophe. On ignore, en somme, par quelles micro-blessures, quelles infimes trahisons, a coulé le sang de la relation. Mais voilà que, avec la même inexorabilité que le mouvement de la mer, l'amour commence son retrait, à bas bruit, ô à peine un recul, une lisière perceptible qui se décale, et qui pourrait presque laisser croire, les jours de grand soleil, que rien n'a bougé."

"Ce que je raconte, tous nous l'avons vécu. L'éblouissement amoureux est en effet le plus banal des biens partagés ; on peut même avoir la chance d'y aspirer plusieurs fois dans une vie. Mais le phénomène demeure un miracle ressenti comme ultime, unique, quelle que soit l'étape de l'existence à laquelle il advient. Tard venu, il n'en est que plus dense, plus puissant, peut-être parce qu'on ne l'attendait plus avec cette intensité. Les jours de soleil et de grâce, le sentiment d'être soulevé du sol, la musique qui résonne à l'oreille comme une succession de promesses. Mon chemin vers celui que j'aimais était semé d'épines, mais je le vivais malgré tout comme un privilège. Il a donné une forme au temps; il a été sa pulsation."

"Avec le recul, j'ai compris que ce qui a donné à cette séparation son caractère outrageant, et qu'il l'a rendue insoutenable, c'est qu'elle est intervenue entre deux personnes qui s'aimaient. Devant ce paradoxe la raison ne peut échouer, laisser place à un sentiment d'arbitraire qui déboussole plus sûrement que n'importe quoi. Qui tient le couteau, qui décide du sacrifice, qui a tort et qui a raison ? Jusqu'où peut-on poser sa souffrance au milieu de l'histoire comme un fil de fer barbelé, en faisant comme si celle de l'autre n'existait pas? Il aurait fallu que j'apprenne à mépriser et à haïr l'homme qui ne savait plus, et cela, je n'ai pas pu. Il est resté là, en moi, fiché d'abord comme une écharde, ensuite irriguant mon sang, ma peau, ma conscience, par les milles et un réseaux de la mémoire, par la somme d'empreintes déposées en moi. Il est resté tout près de mon cœur et de mon souffle, et il a, à sa manière, refusé de me quitter. Longtemps, j'ai pensé que quelque chose de définitif était mort en moi après son départ; aujourd'hui, je ne serais plus aussi affirmative. C'est comme s'il s'était installé ailleurs, beaucoup plus profondément, comme si une part de lui s'était mêlée à moi, une part qui avait toujours été là depuis le jour nous nous sommes rencontrés, ce jour où nous n'avons rien choisi, car il arrive, et l'on n'y peut rien, que la vie choisisse à notre place. Ce sont les efforts que j'avais faits pour le combattre qui m'avaient montré que ce qui nous liait était de l'ordre de l'essentiel.
Je crains que lui et moi ne soyons, au fond, jamais capables de cesser de nous aimer. Et je sais désormais qu'il faudra aussi accepter ce qui a précédé la séparation, et composé avec le souvenir, à la fois doux et effroyable, de ces six mois d'amour absolu qui m'ont donné le sentiment de marcher au-dessus du sol. Ils ont été le prélude à un déplacement fondamental, de la douleur au pardon, avec tout ce qu'il impliquait de contradictions, d'abdications, mais aussi de découvertes. J'avais accompli une traversée muette, indicible, entièrement privée, dont je ne pourrais annuler ni l'existence, ni l'amplitude, avec laquelle je devrais composer dans le silence et le secret."

"T. n'a pas accepté notre séparation. Il l'a souhaitée, provoquée, orchestrée, imposée, mais il ne l'a pas acceptée. je crois qu'il continuait à rêver d'un monde où se tiendrait, disponible, quelques étrange avatar de ce qu'il avait aimé en moi, et qu'il souffrait comme un damné d'avoir perdu le contrôle des événements."

"Je pense aujourd'hui que, derrière ces mails d'une incroyable dureté, ces comportements violents dans le retrait et l'agression, il y avait toute la souffrance d'un homme incapable de vivre ce qu'il éprouvait, qui se débattait dans la terreur des mécanismes d'éloignement et de fragilisation qu'il avait lui-même instaurés."

https://e.pcloud.link/publink/show?code=kZp63BZ4IAlUME0HjLVI4b9u10owVMRxPeV ( )
  biche1968 | Aug 14, 2023 |
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