Comment ne peut-on pas être touché par ce très beau texte de Gérard Garouste, l'artiste peintre qui combat sa folie qui l'envahit comme un flot irrépressible de manière récurente et qui l'entraîne dans les hôpitaux psychiatriques où il a alors besoin d'être interné. Il raconte ici sa vie, ses relations à sa famille, à son père notamment, spoliateur de biens juifs et qui n'a jamais éprouvé le moindre regret. Ce fardeau a pesé - pèse toujours - très lourd sur les épaules de l'auteur. Enfant à l'écart, se sentant souvent en décalage, c'est dans l'art qu'il trouvera sa voix, son épanouissement, malgrè un chemin plein d'embûches, une reconnaissance tardive. Son épouse le soutient à travers vents et marées, ses fils sont parfois terrorisés lorsqu'ils assistent, à leur dépend, à une crise de leur père.
Garouste se dévoile ici avec une confiance qui me touche en tant que lectrice. Il nous dit tout de ces moments de délire total où on le retrouve dans des situations inouïes. Et pourtant, lorsque la folie lui laisse un répit, il reprend sa place "normale"dans le quotidien de la vie.
Très belle édition, avec enluminures de Gérard Garouste et accompagnée d'un CD audio du texte lu par Jacques Weber. ( )

Gérard Garouste : L'intranquille (L'Iconoclaste, 2009)

"Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou" nous indique-t-on en sous-titre. Gérard Garouste est en effet un peintre internationalement reconnu, et ce livre s'ouvre sur la mort de son père. Quant à la folie, l'auteur a fait de nombreux séjours en hôpital psychiatrique.

Ecrit en collaboration avec Judith Perrignon, journaliste et écrivain.

"Voilà un gars qui m'a volé mon titre!" a été ma première réaction en voyant ce livre à la FNAC. Impossible alors de ne pas l'acheter. Je m'empresse toutefois de préciser que, si "vol" il y eut, ce fut en toute inconscience, mon Intranquille à moi n'ayant jamais été publié. J'ai donc ouvert cet autoportrait, et j'ai été séduite dès la première page par cette écriture directe, vibrante et sincère, ce personnage entier et inquiet, à la recherche d'une vérité cachée, d'une explication qui se dérobe. Contrairement à la plupart des autobiographies, fictives ou pas, l'auteur ne donne pas l'impression de s'y raconter, plutôt de tenter d'exposer une vérité plus entière, peut-être même la plus objective possible, non pour satisfaire un narcissisme dont – à la différence de beaucoup d'auteurs d'autofiction actuels – Garouste semble dépourvu, mais pour y exprimer quelque chose qui ressemble à un désir d'absolution: la honte née de l'antisémitisme et de la violence de son père constitue en effet une composante importante de son histoire. Sans doute la réussite de ce texte repose-t-elle aussi sur le fait que Garouste n'est jamais seul avec le lecteur, qu'il pourrait alors manipuler à volonté (cf. Beigbeder* et Carrère* par exemple). A la place, on a l'impression d'une sorte de tiers présent, toujours silencieux, qui souvent prend la forme de l'art et parfois celle de la folie, c'est-à-dire d'instances qui "manipulent" ou à tout le moins dialoguent avec Garouste lui-même. Et c'est la distance établie par ce tiers – distance indispensable, et que le seul fait d'écrire n'instaure pas automatiquement! – qui contribue ici à faire de cet autoportrait une réussite dépassant de loin le récit personnel d'une enfance difficile.

* Beigbeder: http://bloglitteraire.lecoinlitteraire.net/#post67

* Carrère: http://bloglitteraire.lecoinlitteraire.net/#post21 ( )