Henri Guillemin (1903–1992)

> MALHEUREUSE ÉGLISE, par Henri Guillemin - ed.du Seuil. — Henri Guillemin fut toute sa vie un empêcheur de tourner en rond. Las des mensonges et dérobades de l'église catholique romaine, il s'éteignit il y a quelques mois en nous donnant un magistral ouvrage.
Dans ce dernier brûlot, expression d'un pamphlétaire génial, "Malheureuse Eglise" conjugue la polémique brillante d'un grand érudit et la pugnacité épistolière de celui qui usa de sa vélocité intellectuelle pour précipiter de leur cadre historique tous les romantiques, Zola et Claudel. La moulinette savante de Henri Guillemin — méthode Averty — ne laissait pas grand-chose d'exaltant sur la vie de nos antiques idoles littéraires.
A la fin de sa vie l'auteur de "Malheureuse Eglise" dénonce par un feu d'artifice dialectique époustouflant les raisons de sa déception, sa déprime, son immense désarroi de voir "l'église là où elle en est". Il y a ceux que la proximité de la mort réconcilie avec l'église. Il y a ceux qu'elle éloigne d'elle. Henri Guillemin fut sans doute de cette dernière catégorie.
Ses derniers articles et réflexions qu'avant de mourir il a rassemblés, avec une fièvre que l'on devine, ne sont sans doute pas le sommet de son oeuvre. Mais ce livre posthume, fait de pièces et de morceaux, dans un chaos apparent, est à l'image d'une foi hachée, brouillonne, en pics vertigineux et rechutes brutales.
Guillemin répète une ultime fois que son église, qui le fascine et le révulse fait fausse route. Il le fait avec une conviction de foi purifiée, mais pas apaisée et surtout cette cruauté qu'il n'a certainement pas emportée au paradis.
"Cette église, qui aujourd'hui s'effondre, est régie par un pontife de type médiéval qui, même s'il amendait sa technique, ne peut plus rien, à mon sens, pour empêcher de disparaître, pratiquement et assez vite, au cours du troisième millénaire, du moins sous sa forme "romaine", une église "qui se laisse dépasser par son temps." (Albert SARALLIER)
—Nouvelles Clés, (27), Janv./Févr. 1993, (p. 77)… (more)

L’arrière-pensée de Jaurès

On n’aime ou l’on n’aime pas Henri Guillemin. On peut lui trouver de nombreux défauts – et il en a ! On peut également dire de cet homme qu’il fut tout sauf un brillant historien. Cependant, cet avis, ce jugement de valeur qui se voudrait définitif, il paraît délicat d’avoir un avis si tranché.

Henri Guillemin fut sans nul doute un historien injustement jugé par ses pairs. Attention, je ne dis pas qu’il fut mal jugé. Je dis que l’iniquité a présidé aux délibérations des hommes du métier lors du procès.

Ce travail sur Jaurès n’est pas inintéressant. Il est plein de charme, de style et de fonds. Il s’appuie sur une méthode éprouvée, méritante et efficace : la critique des sources. On ne peut guère porter un jugement négatif sur cette dernière.
En revanche, on peut porter une critique féconde sur l’emploi d’une méthode aisément condamnable : celle du mélange perpétuel des sources dans les dates et les idées pour faire dire aux documents ce que l’auteur souhaite leur faire dire. Voilà pourquoi, le propos de Guillemin est à nuancer. Celui-ci s’en défend d’ailleurs dans un post-scriptum ; pas forcément avec succès.

On appréciera particulièrement les notes en bas de page qui ne sont pas rassemblées à la fin de l’ouvrage.

Un style percutant, un ouvrage étrange par moment. A lire cependant.… (more)